Comment fête-t-on le mois du patrimoine? Est-ce la reconnaissance de l’existence d’un héritage, ou la tentative de le positionner par rapport à notre mémoire collective afin de lui donner du sens et la crédibilité qui le fasse encore exister? Comment perpétuer un legs de l’histoire qui ne rayonne plus, qui ne parle plus mais qui s’éteint de plus en plus loin des regards et de la dynamique quotidienne du tunisien?
Ce mois-ci, l’association « Edifices et Mémoires » a choisi de fêter le patrimoine à sa manière. En partenariat avec le Laboratoire d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines LAAM, une initiative a vu le jour jouxtant le patrimoine bâti au patrimoine oral sous le titre de « بنية و حكاية ». Cette initiative a pour objectif de raconter les bâtiments anciens, raconter leur histoire, se raconter notre histoire à travers leurs espaces, leurs formes, proportions et aspect architectural. Quoi de mieux que de pouvoir comprendre le bâtiment par le conte, le redessiner dans son esprit en replongeant dans son vécu et son évolution à travers le temps !« بنية و حكاية » se présente comme un cycle de rencontres virtuelles en ligne entre des professionnels du bâtiment et des professionnels de l’histoire. En effet des historiens, des chercheurs, des urbanistes et des architectes mènent un débat autour du sujet : la nécessité d’un état des lieux mettant en lumière les enjeux politiques et socioéconomiques de cet héritage.
La première session a été éditée Mardi 05 Mai 2020 portant sur le thème des palais beylicaux. Le débat a dressé une situation chiffrée des palais en Tunisie, leur placement dans la politique nationale de sauvegarde et leur interférence sociale et culturelle pour le tunisien d’aujourd’hui. D’autres sessions auront lieu prochainement pour évoquer le problème de la diversité des bâtiments jugés comme étant du patrimoine bâti comme par exemple les établissements scolaires et le patrimoine hospitalier en Tunisie. L’interaction des intervenants définit l’ancien bâtiment comme un lieu de vie ou certains détails renvoient à l’acte politique ou la tradition culturelle.La stratification historique nous livre aujourd’hui des édifices muets certes mais d’une richesse enfouie qu’il faut impérativement faire resurgir, réintégrer dans la mémoire collective et dans l’approche de dynamisation de la ville.
La question redondante et sous-jacente quant au devenir de ces édifices aboutit au constat désolant du manque d’action efficace et palpable sur le terrain. Mais cette action ira-t-elle chercher sa naissance chez les citoyens qui ont perdu l’attachement à une partie de leur histoire, qui ne voient plus qu’un tas de pierre dans ces ruines !! Cette action verra-t-elle le jour avec une assise réglementaire si fragile et mal pensée? La menace des bâtiments anciens ne serait-elle en fin de compte identitaire et résolutive plutôt que physique ?Il est à rappeler qu’en l’année 2018, l’association »Edifices et mémoires », en collaboration avec des partenaires comme l’OAT ordre des architectes Tunisiens, les ASM, les écoles d’architecture et d’autres partenaires ont signé une pétition contre le projet de loi des immeubles menaçant ruine « IMR », une pétition qui a été déposée a l’ARP.Cette position par rapport au projet de loi présente une réaction vive des organismes face à la menace réelle que court le patrimoine tunisien et sa traçabilité pour les générations futures si ce projet de loi verra le jour dans sa version actuelle.
L’ARP reprendra prochainement la discussion autour de ce projet de loi. Le citoyen a certainement son mot à dire. « Appropriation, solidarité et stratégie »sont les maîtres mots de ce combat pour défendre à fond notre patrimoine par l’action. Soyons et soyez au rendez-vous !
Fatma Kobbi Boussetta
Architecte en fonction libérale et Essayiste écrivain