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« Entrer dans l’architecture d’Ishigami, c’est pénétrer dans le monde d’Alice au pays des merveilles ‘’ Koen Van Synghel 

Un monde qu’Ishigami a révélé au grand jour en mars 2018 à la fondation Cartier à Paris, à travers une exposition intitulée ‘’libérer l’architecture’’,  où il a présenté 20 de ses projets. Les visiteurs y ont découvert des maquettes à grandes échelles, des collages et des dessins; un enchevêtrement de plantes, d’animaux, de couleurs et de matériaux figurant des structures aussi curieuses les unes que les autres. Nul ne peut cacher son étonnement en découvrant que ces objets qui frôlent l’utopie sont loin d’être des projets expérimentaux mais bien des architectures réalisées ou en cours de réalisation. 

Libérer l’architecture 

Titre de son nouvel ouvrage et notion fondamentale de sa pensée constructive, libérer l’architecture signifie pour Ishigami ‘’la reconsidérer complètement, comme si nous construisions des bâtiments dans un monde où il n’existait aucun concept architectural.” 

Cela signifierait se libérer soi même en tant que concepteur; Se libérer de la tradition architecturale accumulée jusque là, se libérer de l’idée des styles et des courants, de ce à quoi une maison devrait ressembler ou de quel devrait être l’échelle d’un bâtiment. 

Libérer l’architecture c’est donc pour lui se questionner sans cesse sur ce que c’est que l’architecture, à qui est elle destinée et à quel point les typologies et fonctions pré-établis répondent aux problématiques actuelles?Ishigami entre donc à chaque projet comme dans un état de vacuité, écoute humblement les aspirations des usagers et se laisse porter par la nature du site, pour donner à chaque fois une réponse unique, innovante et spécifique.

C’est dans ce sens qu’il n’hésite pas à se mettre dans la peau d’un enfant pour réfléchir sur des projets qui lui sont destinés. Une table pourrait représenter pour un enfant un toit et des piliers tandis qu’un adulte, pourrait ne pas l’appréhender dans une dimension architecturale. Dans le même ordre d’idées, un animal ou un nuage, aux yeux des tout petits, pourraient avoir l’échelle d’un bâtiment. Ainsi, dans ses projets, et loin de toute métaphore, les enfants sont appelés, autant à explorer une ville peuplée d’animaux sauvages, qu’à se cacher dans la bouche d’un hippopotame ou sous le museau d’un chien qu’à grimper dans les nuages. 

La nature, source d’inspiration inépuisable

Natif du pays du Soleil Levant et disciple de l’atelier SANAA, Junya Ishigami s’inscrit dans la longue tradition de l’architecture japonaise où la nature est sacrée. Ishigami considère que la construction et le paysage sont égaux. Son architecture se veut donc paysage, en harmonie et composée à partir du premier. Il n’hésite pas à recréer une forêt ou des serres afin d’explorer de nouvelles typologies d’espaces dont l’idée de ce que pourrait être un pavillon ou un jardin. Ainsi, il donne un sens nouveau à cette métaphore du bâti intégré dans la nature longuement épuisée par les architecte; Dans ses projets aux structures légères et disparates l’abolition des frontières entre le dedans et le dehors naturel est réalité.

La science au service de la poésie

Derrière les représentations presque enfantines et les structures délicates aux airs fragiles qui forment le monde de rêve de Ishigami, se révèle une maîtrise technique hors pair. En effet, ce savant poète étudie profondément la physique et la thermodynamique et essaye de comprendre les phénomènes naturels afin de mieux s’en servir. Sa phrase culte? ‘’Comment les nuages défient-ils la gravité?’’

Tel un alchimiste des temps modernes Ishigami déclare qu’il ‘’rêve d’accomplir le ciel’’ et multiplie les expériences sur les matières et les matériaux: Il fait voler un cube d’aluminium de la taille d’une maison avec de l’hélium et pousse l’acier jusqu’à ses limites extrêmes afin d’obtenir des structures à la fois larges et rigides, mais aussi légères et vaporeuses que les nuages. Cet architecte, la tête perchée dans le ciel, mais les pieds bien sur terre, nous ouvre les horizons d’une pensée nouvelle de l’architecture, portée sur l’écoute des humains mais aussi de tous les êtres vivants qui l’entourent. 

Ons Larguech
Crédits photos: Junya Ishigami+partners