En tapant «petits espaces» sur Google, la recherche aboutit principalement sur les astuces déco/aménagement intérieur. En effet, sur la première dizaine de pages Google, on ne comptera plus les conseils pour optimiser son studio, son appartement ou sa maison. S’agit-il de la seule et unique question autour de ce sujet ? S’agit-il d’une mode, une tendance ou alors cet intérêt présente-t-il la simple conséquence spontanée d’un contexte socio économique ?
Regardons de plus près dans un spectre plus large à quoi pourraient renvoyer les petits espaces au niveau de la commande : est-ce à du vécu, à de la perception, ou à de la consommation?
Et si on passait tout cela à la loupe pour n’en rien louper !
Architecture
La manière de considérer l’habitat change suivant la culture. Cela traduirait le passage décalé de l’architecture de chaque pays par la mini ou la micro conception de l’espace. La micro architecture renvoie ainsi à une prise de position des architectes par rapport à l’explosion de la valeur foncière conjuguée à une forme de sociologie de l’urbain.
Une des premières références de la micro architecture au Japon revient à l’architecte Toyo Ito dans les années 80 à travers son projet Pao. Il s’agit d’une installation inspirée de l’architecture vernaculaire se voulant comme une démonstration du minimalisme spatial. L’idée traduit l’abri ( le logement) en tant que vêtement communautaire pour l’individu tout comme le vêtement représente une double peau pour le corps (M. Mc luhan ). Des dérivés de cette initiative se multiplièrent par la suite à Hong Kong, New York, Londres, Paris et bien d’autres pays.
Le concept mini habitat s’est imposé petit à petit au contexte urbain invitant les architectes à exceller en s’appuyant sur le fonctionnalisme et la flexibilité de l’espace. L’exemple du logement alternatif des architectes « all zone » à Bangkok a été présenté à la biennale d’architecture de Chicago. Il revisite la structure et la matérialité d’un espace d’habitat de 11 m² dans une approche quasi-indépendante de la crise socio-économique liée au logement. « all zone » sont repris plus tard par Van Bo Le mentzel, architecte allemand d’origine laotienne qui réfléchit à son tour à l’économie de l’espace dans une optique plus écologique jusqu’à pousser le minimalisme à son paroxysme à travers un prototype de maison de 1m². Ce prototype se voulait mobile, flexible et fonctionnellement primitif.
Aussi, les « tinyhouse » ou l’architecture conteneurs surfe-t-elle sur une vague de tendance des habitations de nos jours aux Etats Unis et en Europe essayant de revisiter l’espace habitable dans son implantation, sa mobilité, ses ressources, ses rejets : une architecture où chaque mètre carré est exploité et valorisé.
Echelle & Psychologie
« Le minimalisme est érigé en art de vivre et le détail compte désormais plus que la superficie» disait Dominique Loreau, auteure du livre « vivre heureux dans un petit espace». L’auteure, influencée par le mode de vie des Japonais, défend l’idée du bonheur simple outillé d’un minimalisme architectural. Plusieurs ouvrages se réfèrent à la citation « small is beautiful » publiée par Ernst Friedrich Schumacher dans les années 70 dans son livre : Small is beautiful – une société à la mesure de l’homme.
Ce concept souligne l’importance de l’échelle humaine dans la conception des lieux et l’édification des sociétés. Il appelle à la réduction de l’échelle spatiale en vue d’augmenter sa qualité artisanale. Mais comment peut-on associer bien être et petit espace ?
L’idée de la corrélation entre l’échelle de l’espace et la psyché paisible réside dans l’ordonnancement de l’espace conçu, la clarté de son organisation et le sens porté à ses proportions. L’échelle implique désormais une utilisation minimale et rationnelle des ressources naturelles et mise sur la capital naturel aux dépens de l’approche industrielle. Cela augmentera la satisfaction du consommateur responsable, nouveau profil tissé de l’engagement de l’homme envers la nature. Renzo Piano réussit l’exercice en 2013 à travers sa mini maison de 6m², baptisée Diogène, une demeure idéale pour se détendre d’après l’architecte.
Spécialité en architecture
Le contexte socio économique des villes à travers le monde tend vers la rareté des terrains de construction et une offre de plus en plus inabordable pour les citoyens. Cela ne reste pas sans effets tangibles sur les divers domaines du bâtiment y compris l’architecture. La petite surface semble devenir peu à peu une niche de marché à part entière pour les concepteurs. Tel est le cas de l’architecte parisien Cyril Rheims, reconnu comme architecte des petits espaces. Rheims a choisi de se spécialiser dans le réaménagement des petites unités d’habitations. Il a créé une offre complète autour du sujet, en invitant sa clientèle à investir intelligemment dans la rénovation des petites surfaces. L’appel à ses services d’architecte permettra alors de penser ingénieusement l’espace à vivre, tout en donnant une plus-value au bien immobilier.
D’autres architectes se sont créé d’autres niches de marchés dans l’écologie, le durable, le modulaire.
Et pour finir sur une note d’humour, l’architecte coréen du cabinet Studio Zit est allé à l’extrême, des choses en choisissant de s’investir dans la conception des micro maisons destinées aux animaux, et plus précisément aux hamsters. Sa conception semble minimaliste pour les humains, peut être, mais pour les hamsters, on est loin de parler de « petit espace ».
Fatma Kobbi Boussetta
Architecte en fonction libérale et Essayiste écrivain