Lorsqu’on le questionne sur les raisons qui l’ont poussé à voyager sur la lune, l’explorateur Barbicane, protagoniste du roman ‘’Autour de la lune’’, paru en 1870, répond ‘’ … Pour coloniser les régions lunaires, pour les cultiver, pour les peupler, pour y transporter tous les prodiges de l’art, de la science et de l’industrie! Pour civiliser les sélénites, à moins qu’ils ne soient plus civilisés que nous, et les constituer en république, s’ils n’y sont déjà! ‘’
Ce passage, tiré du roman avéré prémonitoire de Jules Verne, dévoile l’intérêt que l’Homme a toujours porté pour la conquête spatiale. Depuis les missions “Apollo” lancées en 1969 jusqu’à nos jours, cette quête ne fait que s’alimenter au fil des découvertes spatiales, pour enfin devenir, un objectif réel pour les Terriens. Certains y voient l’apogée du progrès humain, d’autres l’accès à une mine de ressources inépuisables, ou encore l’unique possibilitée d’un développement durable concret sur terre… Pour les architectes, la conquête spatiale se présente comme un nouveau défi conceptuel! À quoi ressemblerait une colonie spatiale? Quel type d’habitat pour l’Homme extra-terrestre? Quels matériaux seraient-ils adaptés à ce type de construction? Ce sont là des questions qui re-façonnent le monde de la recherche en architecture !
Coloniser l’espace: Un nouveau marché pour les architectes
Avec Elon Musk qui promet d’envoyer la première colonie humaine sur Mars en 2023, la Nasa qui multiplie les concours d’idées pour un habitat martien, et les puissances mondiales qui se lancent dans une course effrénée du financement, la colonisation spatiale crée un nouveau marché dans le monde de l’architecture. En effet, depuis quelques années, des ateliers exclusivement orientés vers l’architecture spatiale ont vu le jour tels que AI Space et SEArch+ (Space exploration architecture). D’autre part, de grands noms se lancent aussi sur ce terrain. Bjarke Ingels Group travaille sur un projet de colonie martienne autonome pour les Émirats Arabes Unis et Foster+partners collabore avec l’Agence Spatiale Européenne (European Space Agency) et la NASA.
Quelles références pour un habitat extra-atmosphérique?
Depuis la dernière mission Apollo en 1972, aucun être humain n’a frôlé la surface d’un objet céleste extra-terrestre. Les informations détenues sur la Lune et Mars, les deux astres principalement visés par un établissement humain, proviennent principalement des missions robotiques. Comment concevoir dans un milieu jamais visité, et de surcroît régi par des paramètres impensables sur terre? Vraisemblablement, les contraintes spatiales et terrestres sont divergentes; faible pesanteur, radiations solaires et cosmiques, absence d’atmosphère ou d’air respirable, températures extrêmes ou encore impacts météoritiques sont quelques uns des facteurs à appréhender dans la conception d’une architecture non terrienne. Ainsi un habitat sur Mars, ne présente pas seulement un abri, mais une réelle machine qui doit assurer la survie de ses habitants et le facteur déterminant de la réussite des missions cosmiques.
Pour résoudre ces difficultés et se projeter dans ces environnements extraordinaires, les architectes emploient des méthodes différentes. L’agence BIG, pour son projet ‘’ Mars Science City ’’, s’intéresse à des références d’architecture vernaculaire terrestre réalisées dans les régions désertiques où les conditions géologiques et climatiques peuvent s’apparenter à celles trouvées sur Mars telles que les maisons troglodytes à Matmata, les installations dans les abris géologiques ‘’ Messa Verde’’ en Arizona, ou encore les igloos dans les déserts arctiques du Groenland. Présentant son projet comme un habitat vernaculaire sur Mars, Barjke Ingels imagine les premiers Hommes martiens, comme les colons autochtones, expérimentant de nouvelles structures, essayant de comprendre les matériaux locaux, le climat… La Mars Science City est alors un complexe hybride, alliant modes de pensée vernaculaires et nouvelles technologies constructives.
Les firmes AI space et SEArch+ , de leurs côtés, se détachent de toute référence terrestre et emploient exclusivement les données connues sur Mars, pour modeler leurs projets d’habitat martien, imprimés 3d. Les formes verticales des projets MARSHA et MARS X HOUSE contrairement à celles enterrées de BIG ou de Foster sont essentiellement régies par les forces physiques qui s’appliqueraient à une installation martienne. Ce sont des structures optimisées pour supporter la pression atmosphérique interne et les contraintes thermiques. Elles assurent une faible empreinte sur la surface martienne et minimisent les contraintes mécaniques à la base et au sommet. La forme élancée réduit ainsi la nécessité pour une machine de construction de descendre et de remonter, continuellement en surface, réduisant ainsi les risques et augmentant la vitesse et la précision.
Les robots: La main d’oeuvre d’outre-ciel !
La construction extra-terrestre implique des conditions de travail insoutenables pour une main d’oeuvre humaine : coûts élevés, lenteur d’exécution et surtout conditions environnementales extrêmes ! La solution envisagée réside dans le progrès technologique en conception et en construction. Les différents projets proposés, jusque là, ont tous un point commun, malgré leurs différences formelles; Ils emploient la conception paramétrique, l’utilisation partielle ou totale de l’imprimante 3d (impression à partir de la poussière astrale disponible sur place ) et l’utilisation de robots autonomes pour le montage.
La station spatiale internationale: Un pas en avant vers l’établissement humain extraterrestre
Bien que les images de projets exposées par les architectes semblent encore invraisemblables ou voir même superflues pour plusieurs, il existe bel est bien un projet spatial déjà réalisé ! C’est la Station Spatiale Internationale (SSI). C’est une station placée en orbite autour de la Terre, dont la construction a duré de 1998 à 2011. Les 34 pièces qui la forment ont été délivrées par des navettes spatiales, l’assemblage s’est fait en orbite. Aucun mal fonctionnement ne s’est produit pendant tout le processus de montage et la SSI demeure l’un des exploits humains les plus notables jusqu’à ce jour. La SSI est constamment habitée et accueille depuis 20 ans des passagers de manière régulière: plus de 200 astronautes et touristes fortunés.
Ainsi, la SSI constitue la preuve tangible de la réalité qu’est l’établissement humain extraterrestre et ne peut que nous faire rêver sur les possibilités offertes par la conquête spatiale.
Ons larguech
Apprentie architecte
et flâneuse passionnée