Planant sur la banlieue barcelonaise Sant Just Desvern, telle une forteresse flottante ou une ruine romantique, la Fabrica, cimenterie réhabilitée, est là où Ricardo Bofill a élu domicile.
’’ C’est ma référence, ma vie. C’est ici où je sais comment vivre, comment travailler ‘’ . À la fois maison, atelier et oeuvre d’art, la Fàbrica est la création ultime du Ricardo Bofill Taller de Arquitectura (RBTA), foyer de son héritage et ‘’ manifeste construit ’’ de sa pensée.
Un rêve de jeunesse
Lorsque le jeune Ricardo Bofill, ambitieux et rêveur, découvre La Fàbrica dans les années 70, c’est la première cimenterie d’Espagne qu’il visite, Un colosse de béton de 31.000 m2 comportant 30 silos et la plus haute cheminée d’Espagne. Derrière ce monstre cracheur de fumée, l’architecte voit une oeuvre d’art éclectique où se mélangent différents styles du passé : le surréalisme s’y manifeste par des escaliers menant nulle part, des éléments suspendus dans le vide, des espaces aux proportions étranges. L’abstraction par la pureté des volumes et le brutalisme dans la matérialité brute et concrète du lieu.
La fermeture de l’usine quelque temps après est l’occasion rêvée pour Bofill d’assouvir son envie d’espace et d’expérimentation.
Une ruine restructurée
La Fàbrica est un chantier perpétuel ; les travaux démarrés en 1975 ne s’arrêtent jamais, et Bofill ne cesse de l’adapter aux grès de ses besoins et de ses envies, laissant au passage des parties délibérément inachevées. La sculpture fut l’outil conceptuel majeur ; le bâtiment actuel a été taillé de la cimenterie à coups de marteaux piqueurs et de dynamite. Au terme de cette étape, la beautée cachée de l’ancien bâtiment s’est révélée à travers des éléments de composition distingués et les nouvelles relations spatiales créées.
La forme ne suit pas la fonction
À travers la Fàbrica, Ricardo Bofill repense la corrélation entre forme et fonction: ‘’ la forme ne suit pas nécessairement la fonction ‘’ et, avec assez de talent, tout espace peut s’adapter à tout besoin. C’est dans ce sens que les silos de 15m de haut deviennent le berceau du studio d’architecture : quatre étages d’ateliers, de bibliothèques, de salles de réunion bourdonnent de vie sous le mouvement de l’équipe RBTA. L’un des anciens halls de l’usine est élevé au rang de ‘’cathédrale ’’. Haute de 10m et baignée de lumière naturelle, la cathédrale est un espace d’exposition et le coeur de rassemblement du complexe.
Un énorme volume en ciment surplombant l’ensemble est le lieu de résidence de l’architecte et de sa famille. Tous ces espaces s’enchevêtrent les uns dans les autres pour devenir labyrinthe où l’on s’isole et l’on se retrouve selon les caprices et les humeurs.
La nature reprend ses droits
L’un des éléments fondateurs de la Fàbrica est l’ensemble de jardins qui y prend vie. Le parti paysager adopté s’inspire de la ruine initiale; C’est une scénographie sauvage d’eucalyptus, de palmiers d’oliviers … qui foisonnent et évoluent, engloutissant peu à peu la forteresse.
Ainsi, la Fàbrica, épave sublimée, semble avoir échoué sur terre d’un monde fantastique.
Ons larguech
Apprentie architecte
et flâneuse passionnée