En 2019, les utilisateurs d’internet à travers le monde ont en moyenne passé 6h42 sur le web dont 2h16 sur les réseaux sociaux. Ces chiffres rendent inévitable de constater l’enracinement exponentiel des réseaux sociaux dans notre vie quotidienne. L’architecture n’échappe pas à ce phénomène et l’impact des réseaux sociaux sur la perception, la création et la communication de l’architecture constitue l’un des plus grands débats de cette année!
Démocratiser la photo architecturale
Il y a quelques années la création des photos architecturales était du domaine des architectes et des photographes spécialisés et leur publication exclusivement réservée aux livres et magazines dédiés. Aujourd’hui, l’accessibilité aux réseaux sociaux donne naissance à un nouveau type de créateurs photo ; c’est le grand public qui s’y mêle! Les utilisateurs capturent et publient l’architecture sur la toile au gré de leurs goûts, visites et activités. La photo Instagram ou Facebook instaure son lot de codes et de tendances aussi bien que la photo architecturale passe de l’image de magazine peaufinée et travaillée par le concepteur à une scène de la vie quotidienne; Elle se lie à des évènements et interagit avec les utilisateurs de médias sociaux. Si certains architectes ignorent ce facteur et y voient une simple fantaisie d’amateurs, d’autres repèrent là des opportunités à saisir.
Les réseaux sociaux, un moyen pour améliorer le design?
Le déferlement d’images et d’informations constant sur les réseaux sociaux devient pour plusieurs architectes un outil de travail; C’est en effet une source de collecte de données privilégiée sur la performance et l’appropriation des espaces architecturaux par les usagers! En scrutant les activités engagées par les visiteurs d’un espace à travers les réseaux, on se donne une idée sur la manière dont ils se l’approprient. Plusieurs firmes de renom se déclarent partisans de cette méthode; UNstudio et OMA vont jusqu’à développer une « étude de post-occupation » sur Instagram avec leurs hashtags #postoccupancy.
« Nous n’avons pas à capturer les informations sur la qualité de l’espace uniquement à partir de nos mesures de capteurs ou d’entretiens avec les utilisateurs. Nous regardons les médias sociaux et les images que les gens publient : comment s’approprient-ils réellement les espaces » Dana Berhman-UNSTUDIO
Vers une architecture « instagrammable » ?
Les réseaux sociaux, avec Instagram à leur tête, ont institué leur propre langage esthétique : l’architecture y est « funky » et s’inspire de l’urbanisme Pop-up. Elle existe non pas pour être vécue mais pour être capturée et exposée. Ainsi l’expression « instagrammable » définit aujourd’hui ce qui obéit à cette esthétique et « mérite » d’être publié sur les réseaux ; un espace vaut donc le détour de l’usager du 21ème siècle seulement si il est instagrammable. « L’instagram-abilité » devient dès lors un critère convoité par les maîtres d’ouvrages et l’on parle même très sérieusement de « guide du design instagram » pour les architectes.
Certains adoptent volontairement cet effet, tel FormRoom et leur boutique de glace « instagram-friendly » avec ces enseignes néons et ces faux nuages suspendus au plafond tandis que d’autres le refusent tel AfroditiKrassa et leur restaurant délibérément sombre conçu pour être meilleur en vrai qu’en photo.
Plusieurs architectes sont sévèrement critiqués pour surfer sur cette tendance, à leur tête BIG et Heatherwick à qui on reproche de créer une architecture du moment qu’elle ne définit plus une ville ou un endroit mais plutôt un point de repère à l’échelle digitale ou l’on veut juste être vu. The Vessel de Heatherwick subit les foudres des critiques depuis son inauguration en Mars 2019 : on reproche à la structure d’être « Un panoptique instagram-friendly » « pas ce que devrait être l’espace public ».
Sans surprise, l’influence des réseaux sociaux sur l’architecture ne cessera de faire polémique. Toutefois, la vie « en ligne » des espaces devient irrévocablement un paramètre avec lequel nous devons cohabiter.
Ons larguech
Apprentie architecte
et flâneuse passionnée