Architecte nomade, anthropologue, écrivaine, et bien plus encore, Salima Naji, sillonne depuis plus de 20 ans, le grand désert marocain à la découverte des traditions artistiques qui y ont vu le jour. Devenue gardienne d’une tradition en péril, elle réinvente l’architecture vernaculaire en modernisant les techniques et les procédés ancestraux. C’est dans ce sens que nous découvrons le travail engagé de Salima Naji qui nous dévoile une lutte contre la production standardisée en faveur d’une réflexion responsable, à la fois contemporaine et respectueuse de l’environnement et de la culture des lieux.
Les greniers du grand sud: Une leçon d’architecture
Appelés « Ksour » en Tunisie et « Agadir » au Maroc, les greniers collectifs fortifiés ont organisé pendant des siècles la vie au Sahara nord-africain. Au Maroc, Salima Naji en est devenue la grande protectrice; elle consacre plusieurs années de travail aux greniers citadelles et en rénove plus de 10 notamment les impressionnants agadir perchés d’Amtoudi. En 2006 elle regroupe le fruit de ses recherches dans le livre « Greniers collectifs de l’Atlas: Patrimoine du Sud marocain ».
Se tourner vers l’avenir sans oublier le passé
La rénovation n’est pas l’unique domaine d’expertise de Salima Naji. En effet, elle compte à son actif plusieurs nouveaux projets, spécialement des bâtiments publics. Arborant fièrement le pisé, l’adobe ou encore le bois de palmiers, ses oeuvres expriment un combat mené contre les modèles architecturaux importés d’outre-mer et largement diffusés au Maroc. « Je regarde d’abord ce qui se fait sur place, plutôt que de transporter des choses d’ailleurs ».
Salima Naji puise ainsi dans les matériaux et les techniques locales tout en modernisant les procédés, tenant à simplifier le travail des ouvriers et à réduire les coûts de construction. Pour le centre culturel de Ait Ouabelli, elle livre un bâtiment passif où ancien et nouveau s’assemblent harmonieusement: Tasseaux en bois montés sur des panneaux de contreventements métalliques, plafond en Tataoui ( technique de marqueterie marocaine), stuc marocain et ciment teinté y profèrent une atmosphère confortable. Le bâtiment, de par ses propriétés bioclimatiques et son utilité spatio-fonctionnelle devient le nouveau tremplin de la vie sociale de Ait Ouabelli.
Construire avec le peuple
Salima Naji place les problématiques socio-économiques au centre de sa réflexion et promeut l’approche participative; marchant sur les pas de Hassan Fathy, ‘’Construire avec le peuple’’ prend toute sa dimension dans sa démarche.
Elle collabore avec les collectivités locales et se concentre sur les projets d’utilité sociale afin d’offrir aux plus démunis des espaces publics de qualité. Elle réinvente les programmes et les fonctions pour s’adapter aux différents lieux et pratiques. Pour la ville de Tiznit, elle aménage au coeur de l’ancien noyau un centre d’interprétation et l’imagine comme un lieu polyvalent: musée, archives, espaces dédiés aux associations et ateliers pour enfants, montrent tout ce que la région a de meilleur à offrir et offrent aux habitants un nouveau centre social. À Tissnit elle conçoit la maison de la maternité pour la lutte contre la mortalité maternelle, très élevée dans le milieu rural marocain. Finalement, le travail de Salima Naji ne limite pas son impact au désert marocain, mais appelle dans un sens plus large à une remise en question des pratiques architecturales et urbaines dans toute la région de l’Afrique du nord à un moment où l’urbanisation s’accélère en corrélation avec le contexte climatique et environnemental de plus en plus délicat.
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