Nous avons tendance à penser que bois et grande hauteur ne font pas bon ménage. Si ce matériau s’avère rassurant pour la décoration et l’aménagement de nos intérieurs, favorisant une atmosphère chaleureuse et sécurisante, la barrière psychologique reste bien présente pour ce qui est de son usage à des fins structurelles. Les promoteurs et autres acteurs de l’immobilier optent pour des matériaux réputés robustes et résistants aux agressions extérieures, tels que le béton pour garantir la pérennité du bâtiment, et afin de ne pas risquer de compromettre les ventes en avançant le recours à un système constructif « bancale ».
Jusqu’ici le Canada détenait le record du bâtiment le plus haut en bois, jamais construit avec 53 m de hauteur. Cette prouesse sera détrônée au printemps 2019 par la tour Mjos, en cours d’achèvement, édifiée à une centaine de kilomètres d’Oslo en Norvège et culminant à plus de 85 m de hauteur. Elle est construite exclusivement en bois. C’est au Tour de Paris !
Dans sa course environnementale, le gouvernement français incite de plus en plus les acteurs du bâtiment à introduire des matériaux durables et à faible impact environnemental. En 2017, un concours national a été lancé à l’initiative de l’association pour le développement des immeubles à vivre en Bois « ADIVbois », les enjeux de ce projet étant d’encourager la construction en bois, et ce avec une meilleure exploitation des ressources forestières françaises.
Il est aussi question de créer un nouveau levier de développement économique important. Parmi les 24 sites retenus dans plusieurs villes de l’Hexagone pour accueillir « les immeubles à vivre », deux sites du 13ème arrondissement de Paris seront bientôt occupés par des immeubles en bois, prévus pour 2021 : Wood’up et la Tour commune. Ces deux bâtiments culminent à 50 m de hauteur et représentent déjà des symboles phares de la transition écologique de la capitale française, amorcée depuis quelques années par les pouvoirs publics pour faire de la capitale française un modèle de ville écologique.
« Wood’up » : Des logements de standing avec vue imprenable sur la Seine
Baptisé « Wood’up », l’immeuble d’habitation a été conçu par l’agence parisienne LAN pour le promoteur REI Habitat et la compagnie Phalsbourg. Situé en bord de Seine dans un quartier en pleine effervescence de la capitale, Wood,up s’élèvera sur 17 étages avec 105 logements privés allant de 25 à 105m2, comprenant notamment des duplex avec terrasses donnant sur la Seine. Une attention particulière a été accordée au traitement des volumes intérieurs et au traitement de la lumière. Les architectes ont favorisé l’éclairage naturel, grâce à la double exposition. Le 8ème étage sera entièrement dédié aux activités communes des habitants créant une dynamique de voisinage et de cohabitation avec des espaces de convivialité et de services.

Wood Up, tour en bois de 17 étages, sera construite dans le 13ème arrondissement de Paris, en 2021.
Le rez-de-chaussée sera accessible au public avec un café et une salle de jeu, donnant sur une placette. Ce qui fait également la particularité de ce projet c’est la présence d’une bibliothèque d’outils permettant aux futurs habitants de concevoir le mobilier des espaces communs en recyclant les déchets de bois récoltés sur le chantier.
« La Tour commune » : Résidence végétalisée destinée aux chercheurs et aux doctorants
La « Tour commune » conçue par les agences WOA et Nadau Lavergne a été conçue pour Paris Habitat et sera gérée par le CROUS de Paris. Deux cents dix (210) logements pourront être proposés à des chercheurs et doctorants, de passage à Paris. Le bois apparent et l’omniprésence de la végétation, que ce soit sur les clôtures, sur la toiture ou dans les espaces tampons, en font un bâtiment plongé dans la nature, véritable volonté des concepteurs qui ont voulu faire cohabiter activité humaine et biodiversité.Comme dans la Tour LAN, le 8ème étage de ce projet a lui aussi été pensé comme un espace collectif d’échanges et de convivialité, qui se prolonge à l’extérieur par une grande terrasse floutant les limites intérieur/extérieur. La toiture jardin sera accessible depuis la terrasse par un escalier. Plusieurs autres terrasses végétalisées se succéderont au-dessus de la terrasse principale pour en faire un cœur vivant.
Quelle structure pour un immeuble en bois ?
Pour Wood’up, l’infrastructure sera en béton. Les murs et les planchers servant au contreventement seront conçus en CLT (Cross Laminated Timber) appelé lamellé croisé. Il permet une facilité de mise en œuvre et offre des propriétés de résistance mécaniques grâce à sa flexibilité
La Tour Commune a été pensée comme un bâtiment évolutif. Ceci a été travaillé jusqu’à sa structure. Les concepteurs ont opté pour un système constructif évolutif qui facilitera l’intervention en cas de reconversion. Un socle en béton armé servira d’élément structurel principal et permettra notamment de relier le bâtiment à la station de métro. Il sera prolongé par un noyau également en béton qui traversera le bâtiment sur toute sa hauteur servant au contreventement. L’ossature, constituée essentiellement de bois, sera complétée d’éléments en acier et en béton selon les propriétés mécaniques recherchées.
Rappelons quelques vertus du bois :
Construire en bois permet la réduction de l’empreinte carbone. Le bois emmagasine le co2 sans le rejeter. Le bois réagit mieux au feu que d’autres matériaux tels que le béton et contrairement à l’acier, il n’émet pas de matières toxiques en se consumant. Il a également une faible conductivité thermique. Les bâtiments en bois sont moins énergivores que les bâtiments « classiques » : moins de déperdition d’énergie, donc moins de dépenses ! Un chantier en bois permet une meilleure cohabitation avec le voisinage. Il est peu bruyant et produit moins de déchets. Avec une gestion des ressources forestières contrôlée et adaptée, le bois peut constituer une ressource durable non polluante et déclinable pour plusieurs usages en construction, notamment grâce à ses propriétés mécaniques intéressantes.
Manel Ben Amar